Le kung fu de la Mante Religieuse (Taiji Tanglang Quan) Gongfu et accomplissement de soi Le terme 功 夫 (gongfu ou kungfu) désigne en chinois l’adresse, l’habileté que l’on acquiert par une longue pratique, un travail assidu. Autrefois écrit 工 (gong,“le travail”) et 夫 (fu “homme adulte”), ce terme véhiculait l’idée d’un accomplissement de soi par le travail. L’écriture moderne 功(on a rajouté la force 力 au travail 工) et 夫 précise que le travail consiste à “rafiner” la force de manière à en tirer sa quintessence, ou plus prosaïquement, à acquérir les gestes techniques parfaits afin que le rendement de la force investie dans chaque action ait un rendement de 100 pourcent. Ce concept de gongfu est très général, il s’applique en Chine à toute activité artistique ou artisanale. Par exemple, il est commun d’entendre dire d’un calligraphe ou d’un cuisinier qu’il a un bon “gongfu”. Lorsqu’on ne précise pas le contexte, le terme réfère en général aux arts martiaux : 武術 (wushu).
Ecoles d’arts martiaux et solidarité
Les arts martiaux chinois sont composés d’une centaine de “styles”, en chinois “pai” (派“sectes”) ou “men” (門 littéralement “porte” à prendre au sens figuré de porte permettant d’entrer dans une famille, un clan, une maison). En effet, traditionnellement, une école de gongfu est comme une famille, les disciples s’appellent entre eux “frère” ou “ soeur”, ils appellent leur maître “père”. Il n’est donc pas donné à tout le monde de se voir “ouvrir la porte” de son enseignement par le maître, qui n’acceptera pas d’adopter n’importe qui comme fils. Bien sûr, il y a toujours eu en parallèle un enseignement plus proche du modèle occidental avec une relation professeur-élève, mais cet enseignement est très différent de celui qu’on obtient à travers d’une relation maître-disciple traditionnelle. La solidarité que peut trouver le pratiquant au sein de son école, le sentiment d’appartenir à une famille, une communauté peut pallier à l’éclatement de la société moderne et n’est sans doute pas étranger à l’engouement pour les arts martiaux traditionnels en occident.
Le Taiji Tanglang Quan : un système d’autodéfense complet.
Chaque style est lui-même subdivisé en différentes branches. Par exemple, le style de la Mante Religieuse du nord, le Tanglang Quan, comprend comme branches principales : la Mante Religieuse des Six Harmonies (Liuhe Tanglang Quan), la Mante Religieuse des Sept Etoiles (Qixing Tanglang Quan), la Mante Religieuse de la Fleur de Prunier (Meihua Tanglang Quan), la Mante Religieuse du Faîte Suprême (Taiji Tanglang Quan), la Mante Religieuse aux ailes d’or (Jinchi Tanglang Quan), la Mante Religieuse aux 8 pas (Babu Tanglang Quan), la Mante Religieuse des Canards Mandarins (Yuanyang Tanglang Quan)… C’est donc au total plusieurs centaines de systèmes de combat bien individualisés que compte la Chine. Chaque système est un système complet comprenant des techniques de pieds et de poings comme le karate, des projections et des clés comme le judo, des armes diverses et variés : bâtons, épées, sabres, lances, …
Le pratiquant apprend à faire face à toute situation violente, potentiellement dangereuse. En s’aguérissant au contact de ses co-disciples et lors de défis entre écoles, il prend confiance en lui. Cette confiance lui sert non seulement à gérer une situation de conflit mais s’étend à d’autres domaines d’activité humaine nécessitant courage ou combativité. C’est un remède contre l’angoisse ou les peurs existentielles auxquelles peuvent être sujets certains individus.

La quintessence de la légende, recopiée par les nombreux copistes qui ne font pas la différence entre mythe des origines et données historiques.

Le fondateur du style de la mante religieuse serait un certain Wong Long. Il serait né en Chine durant la dynastie Ming (1368 – 1644) dans le district de Jimo dans la province de Shandong. Il viendrait d’une famille aisée et aurait étudié les arts martiaux dans sa jeunesse auprès des moines de Shaolin.

Wong Long, plus petit et moins fort physiquement que ses homologues se faisant battre à chaque combat. Aussi il décida de trouver un moyen de pallier le manque de force.

Un jour en se promenant, Wong fut témoin d’un combat entre une mante religieuse et une sauterelle. Wong Long fut fasciné par l’agressivité, la vitesse et la force de la mante religieuse. Quand la sauterelle attaquait, la mante se jetait sur le côté, et avec la vitesse et la force de l’éclair elle immobilisait la sauterelle avec ses avant-bras puissants. Wong Long emmena la mante chez lui pour l’étudier de près. Il employa un roseau pour poignarder la mante et soigneusement étudia ses mouvements, examinant comment elle réagissait aux diverses situations. Wong imitait alors ces actions et lentement son système évolua.

Wong Long a longuement compilé ces mouvements dans ce qui est connu aujourd’hui comme formule verbale de douze mots clés, les sept longs, huit courts, huit modèles rigides de main, les douze modèles flexibles de main, les huit points vulnérables et huit d’attaque mortelle. Ceci a mené au développement du modèle du style de la mante religieuse avec ses mouvements caractéristiques forts et rapides.

Quand Wong Long a été satisfait, il a ajouté au nouveau modèle les meilleures techniques tirées des dix-sept autres modèles qu’il avait précédemment étudiés. Plus il pratiquait, plus il se rendait compte que bien que la structure du modèle ait été très rapide, dépeignant la puissance et la vitesse de la mante, le jeu de pieds était inadéquat pour délivrer des coups brefs.

C’est en observant, plus tard des singes qui jouaient ou combattaient, que la solution lui apparu clairement. S’il pouvait fusionner les positions intelligentes du singe avec les mouvements de main de la mante, la vitesse des mains et des pieds serait assurée.

Au-delà de la légende, on peut observer qu’il s’agit d’un style syncrétiste qui mêle les techniques de main de divers styles de la grue et les techniques de déplacements du singe.

La multitude des styles de mante religieuse, tous issus de la province du Shandong, et qui se sont ensuite répandues vers le Sud de la Chine, montre la complexité à construire sérieusement une « généalogie ». Il existe des styles, branches et écoles de mante religieuse du Shandong qui n’ont pas encore été répertoriés.

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